Fête de la science 2023

Fête de la science 2023

Sport et société : quels modèles ? quelles valeurs ?

Que disent les sciences humaines sur les rapports « sport – société » ? sur les principes affichés et sur leur application ? sur la réalité de l’accès aux activités sportives ?.

Avec
Michèle Melin Présidente des « Sports pour tous Haut de France », vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental régional
Catherine Louveau Sociologue, Professeure des Universités émérite, Laboratoire CRESPPA UMR 7217
Sarah Pochon Maître de conférences en STAPS, Laboratoire SHERPAS/URePSSS (ULR 7369) Université d’Artois.
Muriel Surrans Enseignante PRCE STAPS, Université d’Artois



Les valeurs officielles affichées par le sport (effort, dépassement de soi, compétition, respect, esprit d’équipe, solidarité, fair-play, etc..) et les modèles véhiculés par le sport médiatisé (notamment l’apparence corporelle, la mode vestimentaire, etc..) semblent gagner d’autres domaines, particulièrement les entreprises, l’éducation, la consommation, la santé, etc.

Que nous disent les sciences humaines sur ces rapports sports – société ? notamment :
Quel peut être le rôle du sport dans la prévention des exclusions, des violences ? Notamment comment faciliter l’accès des femmes aux activités physiques et sportives (cf les salles de remise en forme non-mixtes, interdiction d’accès aux sports pour les femmes dans beaucoup de pays ) ?
Comment faire respecter les neutralités (particulièrement dans les domaines religieux et politique) du sport, amateur et professionnel, jusqu’ aux Jeux olympiques ?
Face au sport compétitif, élitiste, spectaculaire et médiatisé comment toutes et tous peuvent découvrir à tous les âges les plaisirs des activités physiques et sportives ?

Mercredi 11 octobre 2023 18 heures
Maison régionale de l’environnement et des solidarités MRES
5 Rue Jules de Vicq 59800 Lille métro Fives

Entrée gratuite, comme pour toutes les manifestions de la Fête de la science. Programme complet sur www.fetedelascience.fr


Sports et société : vaste programme !

Les deux objectifs du Comité laïque du Nord pour cette rencontre-débat étaient de confronter les valeurs affichées par le sport aux réalités de son fonctionnement et de débattre sur les moyens de faire découvrir à toutes et à tous, à tous les âges, les plaisirs des activités physiques.

Pour nous éclairer : quatre intervenantes… sans qu’il y ait eu de notre part de refus d’intervenants ! cette écrasante participation féminine est encourageante dans un domaine encore largement masculin : les femmes ont beaucoup à dire sur le sport et sur les activités physiques en général. Leurs interventions ont apporté des informations précises et des analyses argumentées, mais aussi souligné que presque tout reste à faire en matière d’égalité d’accès à ces activités.    Un seul regret :  seulement une vingtaine de participants. 

 Catherine Louveau, sociologue professeur d’université émérite, a présenté la situation des femmes dans les sports : dans les clubs sportifs (seule activité physique recensée dans les statistiques du ministère), elles sont 38%. Même s’il y a des progrès la bouteille reste encore plus qu’à moitié vide. Toutes les disciplines sportives sont théoriquement ouvertes aux femmes, mais la mixité reste un droit peu utilisé. Et la parité n’est pas l’égalité : exemple aux JO 2023, paritaires du fait de l’égalité numérique hommes/femmes. L’égalité est encore à gagner, pas seulement dans certains pays (Iran, Afghanistan…), mais chez nous aussi, dans les médias (cf. temps accordés aux rencontres masculines et féminines) et dans les instances dirigeantes  : sur 115 fédérations en France, 19 sont dirigées par des présidentes. Une évolution inquiétante : dans les études STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives), qui forment notamment les profs d’EPS, la proportion de femmes diminue depuis des années : 20% des entrées actuellement. Les violences sexistes et sexuelles dans le sport commencent à être dénoncées et même poursuivies en justice, notamment depuis 2019 (Tribune libre dans Le Monde), mais dans beaucoup de fédérations règne encore l’omerta. La neutralité (politique, religieuse, commerciale etc) du sport reste toujours très théorique, malgré la charte olympique qui interdit notamment toute manifestation religieuse, syndicale ou politique. Le pouvoir réglementaire est dans chacune des fédérations, nationales et internationales, notamment pour les tenues ; exemple : la Fédération française de Foot a interdit le hidjab en 2016, le Conseil d’Etat a confirmé l’interdiction en 2023.

Présidente du Comité régional Sports pour tous Hauts de France, Michèle Melin a commenté une vidéo présentant quelques activités des 300 clubs existants dans la région. Il s’agit de « sports loisirs », très variés, de la marche (nordique ou autres) à la danse, en passant par les sports de combat. Les plus en vogue sont notamment le pilates, le yoga, le tai-chi, le qi gong, le stretching. Même si elles se pratiquent en groupe, ce sont majoritairement des activités individuelles, , les sports d’équipe sont minoritaires. Présent à tous les âges de la vie, Sports pour tous intervient aussi dans des entreprises (échauffement, gestion du stress, postures ..). Les pratiquants sont à 95% des pratiquantes, et l’encadrement est aussi majoritairement féminin. Le Comité régional Sports pour tous assure la formation de base des animateurs (physiologie, biomécanique, animation, objectifs éducatifs, etc..), la formation spécifique à l’activité est assurée par des associations extérieures, surtout pour les activités d’origines asiatiques, certaines avec un diplôme reconnu.

Sarah Pochon, maître de conférences STAPS à Liévin, Université d’Artois, a rappelé que les profs d’EPS (Education physique et sportive) ne sont pas des profs de sport et que l’EPS n’est pas dans une logique de compétition (cf grilles d’évaluation au Brevet, au Bac) mais dans une logique éducative, la performance et la progression personnelles ne sont que des moyens de mieux se connaître. L’EPS est souvent la seule activité physique pratiquée par les adolescents. Les recherches de Sarah Pochon sur les activités physiques des élèves du lycée Henry IV à Paris et sur le sport scolaire en Finlande confirment les grandes différences entre les pratiques physiques selon les milieux sociaux et les cultures.

Sa collègue à Liévin, Muriel Surrans, PRCE EPS, a détaillé les premiers enseignements de ses recherches sur « le savoir nager ». C’est théoriquement une obligation de l’Education nationale depuis 1990, mais de moins en moins réalisée, elle a disparu des programmes de 4° et 3°. Même chez les entrants en licence STAPS il y a des « non-nageurs » ! Les explications sont multiples : du côté des familles (transmission des peurs, mauvais souvenirs des parents), du rapport au corps, au moment de l’adolescence notamment (filles « trop grosses », garçons « trop fluets », etc…), et de la hantise de « l’échec » (hantise pas spécifique à l’EPS !), surtout devant les autres, hantise qui peut bloquer toute envie de participation. Se donner des objectifs atteignables et les atteindre est un moyen de (re)trouver confiance en soi et de découvrir les plaisirs physiques et relationnels d’une activité physique.

Le débat ne pouvait aborder toutes les relations entre les activités physiques et sportives et le reste de la société, il s’est centré sur trois questions :

Le rôle incontournable de l’EPS : c’est le seul moment scolaire où le corps des élèves est pris en compte et où certains stéréotypes peuvent être surmontés, par exemple les garçons peuvent découvrir la danse. Les autorités de santé s’inquiètent des effets de la sédentarité, l’EPS s’avère là aussi une réponse indispensable.

L’autolimitation des filles : pour postuler à certaines filières scientifiques elles ne se sentent pas capables, « au niveau »  alors que des garçons de même niveau (ou même de niveau plus faible) le font sans aucune hésitation. L’autolimitation en EPS a des origines plus lointaines, dans la petite enfance.  Les filles ont des jeux plus calmes, plus statiques, à l’intérieur  surtout tandis que les garçons manipulent des véhicules, explorent l’extérieur, jouent au foot, etc.. Même si cette distinction recule, notamment grâce à certaines écoles maternelles (réaménagement de la cour de récré), les expériences de motricité des filles et des garçons restent différentes. Les filles doivent être accompagnées et conseillées dans leur découverte de sports jusqu’ici masculins.

Les pratiques de bien-être (« feel good »), physiques (muscu, fitness..) et/ou mentales (méditation, sophrologie…) font le succès de salles de « sports », de « remise en forme » commerciales ou associatives (exemple : gym volontaire..).  Ce n’est pas qu’un effet de mode, cela correspond souvent à des besoins personnels (santé physique, confiance en soi, etc..), mais les qualifications des personnels sont variables, du fait des multiples diplômes existants.

Compte rendu J.D.

jdescamps

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